... Il fait noir ici. Putain, je vois que dalle. Bon, je vais tenter de marcher à tâtons par ici... Non, pas de mur. C'est quoi ce délire...? Eh, j'ai même pas mon portable dans ma poche pour m'éclairer... J'avance sans spécialement réfléchir. J'avance encore et encore, presque indéfiniment. J'entends des sons étranges. Des sons que j'ai déjà entendu mais qui paraissent sourds. Des sons qui n'existent sûrement que dans ma tête, ce ne sont pas des sons clairs qui nous font vibrer les tympans. Mais, aucune autre sensation. Ni au toucher, ni à l'odorat, ni au goût, ni à l'ouïe, même pas à la vue. Mes sens ne sont pas éveillés, alors pourquoi mon cerveau me fait entendre tous ces sons? C'est un son mielleux, un son doux, mais sourd, qui ne veut pas sortir. Un son qui apaise et rassure, mais ne s'affirme pas...
... L'esquisse d'un rayon de lumière se traçait par ici. Je me mettais à accélérer sans vraiment me contrôler. Mais... BORDEL JE TOMBE MAIS AH MAIS AAAAA-
- AAAAOHPUTAINDE
- BWAAAAARGH
... J'étais dans une salle d'infirmerie? Et c'était quoi ce putain de rêve encore plus wtf qu'un épisode d'Hannah Montana sur Disney Channel? ET QUE FOUTAIT CHIHARU DANS MA CHAMBRE DE REPOS? ... Bordel de cul, je need des explications là.
- Euuh... Ça fait combien de temps que t'es là? Et, ça va bien? Y s'est passé quoi exactement? Je dors depuis quand?
La grosse touffe me répondit illico. Le soleil se couchait au dehors...
- Chais pas. Quelques heures. Il doit être dix-huit ou dix-neuf heures maintenant. Je vais bien. Enfin non je vais pas bien. J'ai des fourmis dans les jambes. Tu t'es pris un "mauvais coup à la tête" ou je sais quelle connerie. Blaireau.
... Elle s'arrêta soudainement sur cette insulte.
Blaireau. Son ton était calme. Ça me faisait bizarre de voir Chiharu dans un état aussi... Serein ne serait pas un bon adjectif, parce qu'elle a toujours l'air désappointée. Elle était juste calme. Qu'est-ce que ça voulait dire...?
Eh... Attends... Je me rappelle, elle m'avait fait un german souplex... Et le pansement que j'ai à la tête a l'air de me dire que j'ai pris assez cher. Fouah, elle a d'la force tout d'même! Et puis, un putain de german souplex quoi! La classe ultime. Enfin, moi je devais avoir l'air moins classe à ce moment là.
... Elle reprit, sur un ton un peu plus bas que le précédent.
- ..... Chu contente que t’ailles bien. Elle se renfrogna beaucoup à ce moment précis. 'Fin je veux dire. Ça m'emmerderait si t'étais mort. Ça aurait été genre. pas cool et tout.
... C'était doux. Gentil de sa part. J'avais pas envie de croire qu'elle était pas sincère. Étrangement, ça m'a fait vraiment, mais genre vraiment chaud au coeur. Depuis que je suis arrivé à Aomori, je fais que de gaffer, et les gens finissent par m'éviter... D'aussi longtemps que j'ai été ici, elle est la première à s'inquiéter assez conséquemment pour moi. Bon, elle était pas en pleurs mais franchement quoi ça me rassur...
... Elle s'excusait? Je la regardais. Elle me regardait pas, elle. Elle avait les yeux ailleurs. Elle a dit ça tellement bas que j'me demande si j'ai correctement entendu. Non, non, je crois qu'elle a bel et bien dit pardon.
... Ouah. Je me rappelle pas d'excuses sincères depuis... Un bail. J'en ai déjà fait, mais ça fait bizarre de l'entendre de la bouche de quelqu'un... Et puis, Chiharu quoi. Sérieusement. En plus c'était moi qui avais fait le con quoi.
J'étais touché. Je suis touché. C'est... Fou. Je la fixais, comme ça pendant un petit moment. Elle continuait à regarder ailleurs et je commençais à avoir vraiment envie de la prendre dans mes bras. Elle est restée à mon chevet pendant des heures et elle s'excuse de m'avoir fait du mal...
- ... Dis pas de bêtises.
... Je savais pas quoi dire. J'étais bouche bée. Je voulais lui parler. Putain Sasy, arrête de faire ton boulet et prends ton courage à deux mains, et sois sincèrement sincère.
Je prenais une mine un peu bougonne.
- T'as pas à t'excuser, je veux dire. Et, euh... Bah, hmm... Tu vois, hein...? Ça me fait vraiment chaud au coeur que tu sois restée à mon chevet tout ce temps. Et puis, c'est un peu de ma faute, c'était moi qui t'avais cherché...
... Je n'osais plus parler. Plus rien voulait sortir. C'était gênant. Et agréable à la fois, de façon vraiment bizarre.
Je regardais ses yeux avec toute la discrétion dont je pouvais faire preuve. Ils étaient d'un vert émeraude, mais viraient à un jaune-orangé un peu étrange quand ils se laissaient éclairer par la lumière du soleil qui se couchait.
Je continuais de la regarder dans les yeux. C'est fou ce que la lumière du soleil peut aider à se sentir plus à l'aise, pour parler.