« Mahna Mahna. Tutu tululu ♪ » [PV ; Manami]

Age

Autour du jardin il y avait une clôture de noisetiers ; à l'extérieur, c'étaient des champs et des prés avec des vaches et des moutons, mais au milieu du jardin se dressait un rosier en fleur. A son pied se trouvait un escargot. Il avait quelque chose d'important en lui : c'était lui-même.
L'Escargot et le Rosier

« Non. »

Azil se retourne, s’éloigne dans le couloir et se fond dans la masse humaine. Le garçon ne tarde pas à la rattraper, un sourire enjôleur sur les lèvres. Il doit penser que c’est une proie facile. Il insiste. Il se permet d’insister. Il s’excuse pour son insistance mais il insiste vraiment. Il tient à ce qu’elle soit présente. Pourtant, elle, elle n’en a pas envie. Se retrouver dans une foule d’adolescents se trémoussant au rythme d’une musique dix fois trop forte et infernale, ça ne l’intéresse pas. Trop de bruit tue le bruit. Mais il continue sur sa lancée. Il lui envoie une invitation au cinéma, puisque la boîte de nuit ne lui convient pas. Elle refuse, encore. Elle commence à le trouver lourd. Non, c’est non. Point. A la ligne. Ce gars l’insupporte. Deux jours qu’il la colle. Elle est presque certaine que c’est pour un pari. Sinon, il aurait fait ça en douceur. Oui. Mais la douceur, il ne semble pas connaître. Il attrape son poignet, le sert et sourit. Elle n’a pas envie de lui sourire. Il l’énerve. Pourquoi sourire ?

« Lâche-moi. »

Elle se dégage et recommence à marcher, bousculant et se faisant bousculer dans la nuée d’élèves, pressés de retrouver les dortoirs, leurs clubs ou leurs amis. Azil n’aspire qu’à se lancer sur son lit, attraper son portable et envoyer des messages à Shigeru pour lui raconter tout ce que ce boulet de garçon lui fait subir. Elle ne se souvient même plus de son nom. Elle accélère la cadence. Tant pis si le doux balancement de ses hanches s’accentuent également. Elle ne veut pas le voir. Elle tourne à l’angle d’un couloir, entend son nom. Elle ne se retourne pas. Elle ne le connaît pas, elle ne sait pas ce qu’il a en tête. Si, elle sait. C’est juste pour le plaisir de la plaquer sur un lit à la fin de la soirée. Mais en ce moment, elle n’a pas envie. Et il ne l’intéresse pas. Pas du tout.

Elle monte les escaliers quatre à quatre et passe devant la médiathèque. Elle sent déjà l’odeur des livres lui chatouiller les narines… Mais elle sait que le garçon peut la suivre jusque là. Elle continue tout droit, jusqu’aux dortoirs des filles. Là, il ne pourra plus rien. Elle entend encore son nom, derrière elle. Apparemment, il ne compte pas la lâcher même si elle est clairement en train de le fuir. Il doit vraiment avec un problème. C’est pire qu’une obsession. Du moment qu’il n’a pas réussi à avoir son numéro de portable, elle s’en fiche un peu. Elle pousse la porte des dortoirs et l’entend se fermer dans son dos. Elle ferme les yeux. Victoire. Mais le côté des filles n’est pas encore là, il peut encore rentrer. Elle tourne à droite.

Gagné.

Elle parcourt les portes. Elle pourrait s’arrêter, attendre qu’il reparte. Mais il ne la lâchera pas. C’est ça qui lui fait peur. Cette capacité à ne lâcher prise que quand il l’aura eue. Mais non, c’est tout simplement non. Qu’il la laisse tranquille. Sinon, il aura des ennuis. De gros ennuis. Surtout si ça virait au harcèlement. Elle se défendrait. Il n’aurait pas raison d’elle.

Azil entre dans sa chambre et écrase son dos contre la porte qu’elle vient de fermer. Elle ferme les yeux, soupire un bon coup et rejette ses mèches rousses en arrière. Silence. Calme. Son sanctuaire de paix, sans garçon, sans rien. Juste des filles. Elle rouvre les yeux et observe la chambre censée être vide. Censée. Mais il y a une fille, sur l’un des lits. Elle ne la connaît pas. Elle est sûre qu’elle ne la connaît pas.

« Salut. »

Azil s’avance, s’assied sur son lit, contre le mur où ont été collé des centaines et des centaines de post-it et photos en tout genre. Elle l’observe. Non. Son visage ne lui revient pas en mémoire.

Illumination.

La nouvelle doit arriver aujourd’hui.

« C’est toi, notre nouvelle colocataire ? »

Age

4h40. 4h47 plus exactement. C’est précisément le temps que Manami avait passé assise dans cet inconfortable bus. Sa journée avait mal commencé à cause de plusieurs petits tracas à l’orphelinat. Bien évidemment elle avait espéré pouvoir se détendre un peu dans ce fameux bus qui était censé l’amener vers la liberté. Que nenni. Non pas qu’elle était une petite nature, mais les ressorts qui percent le siège, la chaleur étouffante par manque de clim, les fenêtres qui ne s’ouvrent pas, tout ça, ce n’était agréable pour personne. D’ailleurs, elle qui ne s’attendait à voir que des futurs élèves s’impatienter dans le transport trop lent, elle fut surprise de voir d’autres personnes qui visiblement n’allaient pas au même endroit –notamment un homme sentant un peu fort l’alcool-. Mais ce long trajet était à présent terminé.

Elle avait donc pu rejoindre l’académie, après s’être perdue un bon moment dans la ville. Une longue visite de l’école et de son domaine lui avait été faite par un garçon dont elle avait totalement oublié le nom. Lorsqu’ils étaient arrivés au premier étage, elle crut comprendre que le dortoir des filles se trouvait ici. Les chambres n’étaient donc pas mixtes mais en revanche elles n’étaient pas non plus individuelles. Dommage. Manami connaissait bien les avantages –s’il y en a- et les inconvénients des chambres communes, et ce pour avoir partagé une grande chambre avec les autres filles de l’orphelinat.

Une fois entrée dans ce qui serait sa nouvelle résidence, elle remarqua tout de suite que la chambre était plus petite : seulement quatre lits étaient disposés dans la pièce, contrairement à son ancienne chambre où se trouvaient une vingtaine de lits. A en juger par les tables de nuits, seuls deux lits avaient déjà un –ou plutôt une- propriétaire. Parmi les deux restants, elle savait déjà lequel elle voulait prendre : placé à côté d’une fenêtre donnant une vue directe sur la cour et ses environs, un lit agrémenté d’une épaisse couverture rouge semblait n’attendre qu’elle. D’ailleurs puisque personne d’autre n’était présent dans la pièce, pourquoi ne pas s’installer ? Elle déposa sa grosse valise noire sur le lit qu’elle avait choisi et l’ouvrit. Bizarrement elle ne contenait pas trois tonnes de vêtements comme les valises de la plupart des autres filles. Bien sûr il y en avait bien quelques-uns, mais elle était remplie de divers objets personnels : beaucoup de cahiers –noir pour la plupart-, trousses, crayons éparpillés partout, trousse de toilette, et une incroyable quantité de livres en tous genres, de tailles et couleurs différentes. Soupire de Manami. Debout devant ses affaires encore plus ou moins rangées, elle n’avait pas du tout envie de s’occuper du rangement de tout ça toute de suite. Surtout qu’une autre valise plus petite contenant vraiment ses vêtements l’attendait sûrement à l’accueil ou quelque chose du genre –elle n’était pas encore allée la chercher -. Elle s’empara d’un livre à la couverture rouge-orangée d’où on voyait dépasser un grand marque page noir et vert. Elle s’assit –enfin se laissa tomber- sur le lit à côté de sa valise, s’appuya le dos contre le mur et commença à reprendre sa lecture là où elle l’avait laissé quelques heures plus tôt dans le bus.

Mais alors qu’elle venait à peine de réussir à visualiser la scène de son libre, elle entendit un bruit de porte puis un soupire. En détachant le regard de son bouquin, elle put voir une jeune fille à la chevelure rouge adossé à la porte de la chambre. Elle avait les yeux fermés et ne semblait pas avoir remarqué la présence de Manami. Au bout d’un moment elle ouvrit enfin ses yeux bleus et les posa sur la nouvelle arrivante. Une parole, une salutation. Prise de court par la situation à laquelle elle ne s’attendait pas, Manami ne put répondre qu’un petit mot en échange.

« Salut »

La jeune fille devant elle était plutôt mince et mignonne. Elle alla s’asseoir sur un autre lit près du mur. Elle semblait avoir compris quelque chose et demanda aussitôt si elle était sa nouvelle colocataire. Si cette fille était assise sur son lit, alors oui, Manami serait bien sa nouvelle coloc’. Cette dernière posa son livre sur ses genoux en mettant le marque-page et la regarda en souriant, certes un sourire de politesse, mais un sourire quand même.

« Enchantée, je suis Manami Atsuya. Et oui je m’installe ici. »

Manami était un peu –voire beaucoup- gênée mais elle s’efforçait de ne pas le montrer. Les rencontres, les présentations ou même les discutions banales, tout a ce n’était pas son fort. Elle n’était tout simplement pas très bavarde. D’ordinaire elle n’en avait rien à faire, mais là c’était différent si c’était sa coloc’. Elle tripotait nerveusement les coins des pages de son bouquin fermé en faisant tout de même attention de ne pas les abimer. Les premières impressions sont souvent importantes et on lui avait souvent reproché de ne pas sembler très sociale. Au fond ce n’était peut-être pas totalement faux, mais puisqu’elles allaient partager la même chambre pour une durée indéterminée, elle tenait à ce que ça se passe le mieux possible.

Age

Elle est blonde, pas très grande et assise sur l’un des deux lits vides, en maque d’occupantes et laissés à l’abandon dans la chambre. Sur ses genoux, un livre à l’épaisse couverture d’un rouge qu’Azil qualifie, en grande connaisseuse, comme étant pur. Du livre, coincé entre deux pages et étouffé, un marque-page noir dépasse. Un sourire étire les deux lèvres fines de l’inconnue. Peut-être n’est-ce pas le comble du bonheur. Ce serait alors, dans ce cas, par simple politesse. Azil la comprend quand même assez. A son arrivée, elle n’était pas très heureuse. En même temps, elle fuyait tellement de choses, elle laissait tellement d’injustices derrière elle. Elle venait de droguer son père avec des somnifères dilués au whisky, elle avait ensuite trompé un vieil antiquaire avec son pouvoir. De là, elle avait acheté quelques fringues et s’était teint les cheveux en rouge. Faire du stop et marcher, elle n’avait pas eu trop le choix. A l’arrivée, elle était trempée. Et perdue aussi.
Elle continue l’observation de la jeune fille. Oui.
Elle est jolie.

« Enchantée, je suis Manami Atsuya. Et oui, je m’installe ici. »

Azil étire ses lèvres en un radieux sourire et remet une mèche rouge derrière son oreille dans un geste devenu plus qu’habituel. Manami. C’est joli comme prénom. Typiquement japonais, certes. Mais joli quand même. Par contre, Atsuya, ça ressemble à Hatsuyo, le nom de famille de l’autre tornade blonde.
Non.
Non, elle ne doit certainement pas être comme cette brute d’Ema. Vue comme ça, elle a l’air plus calme, moins exaspérante. Plus mature et moins brutale, aussi. Heureusement, d’ailleurs. Parce que si Manami était le sosie d’Ema, Azil l’aurait jetée à la porte sans aucune forme de politesse. Mais le pire, dans l’affaire, c’est que tout le monde – presque tout le monde – connait Ema, à Aomori. Shigeru, Kain, Lilian et le reste. Enfin. Heureusement, elle sait que Shiki et Cherry n’ont aucun lien avec cette espèce de chose.

« Alors, bienvenue dans notre chambre. »

Azil pose ses pieds sur le sol alors que ses yeux retournent la chambre à la recherche du moindre objet mal rangé. Dans un coin, elle voit des pulls. A Haku. Ca ne peut être qu’à elle puisqu’Azil range méticuleusement ses affaires et que Manami vient d’arriver dans la chambre. Et que visiblement parlant, elle n’a pas de fringues emportées. Elle se lève et attrape les pulls, avec calme. Azil retourne s’asseoir sur son lit et, plaçant les vêtements en boule à ses côtés, elle entreprend de les plier. Concentrée, elle en oublie presque de parler à sa toute nouvelle camarade de chambre. D’un mouvement brusque de la tête, elle repose ses yeux sur Manami.
Un large sourire professionnel peint sur la bouche.

« Je m’appelle Azil. »

Azil finit son pliage rapidement. Vu ainsi, Azil a l’air d’une souillon, un genre de Cendrillon toujours prête à ranger le bordel des autres. Et ce n’est pas totalement faux. Azil n’aime pas le désordre. Elle ressent sans cesse un besoin urgent de ranger par ordre, par couleur, par catégorie. Du moment que rien ne dépasse et que tout est parfait et propre. Le désordre la rend littéralement malade. Même le désordre des autres dans leurs chambres. Même le désordre dans les magasins. Et le pire, ce sont les soldes. Avec ces bacs de vêtements qui débordent, qui se plient, s’emmêlent et explosent. Avec ces magasins bruyants et grouillants de monde. Les soldes, c’est la chose la plus atroce. Azil arrête de penser aux soldes. Elle remarque une chose. Qu’il n’y a qu’elle. Elle et Manami. Mais pas d’Haku. Haku qui, elle aussi, fait partie de cette chambre. Même si elle passe souvent la nuit dehors.

« Ah. Oui. Haku n’est pas là. »

C’est vrai, quelle charogne celle-là.

« Je ne sais pas quand elle revient. Si ça tombe, elle est avec un garçon… »

Et si ça tombe, elle ne rentrera pas de la nuit.

Spoiler:

Age

« Chaque personne que tu rencontres
est le résultat d’une expérience. »

A ce moment-là, Manami se sentait tout ce qu’il y a de plus stupide. Elle détestait ce genre de première approche, quand on rencontre une personne non pas par hasard mais par « obligation ». Il est clair qu’elle aurait préféré rencontrer sa coloc pendant un cours ou même dans un couloir que plutôt directement dans leur chambre. D’ailleurs elle ne savait même pas si cette jeune fille était aussi en première année ou pas du tout. Un sourire se dessina et égaya le visage de son interlocutrice juste après qu’elle se soit présentée. Etrangement elle eut un certain moment de réflexion, pensant sûrement à autre chose. Mais ce léger moment de silence ne finit pas de mettre notre petite blonde mal à l’aise. Heureusement, l’instant d’après, elle reprit la parole, avec une jolie voix, douce et calme encore.

« Alors, bienvenue dans notre chambre. »

Manami fit un nouveau sourire en guise de remercîment, même s’il s’agissait s’en doute là d’une formule de politesse plus qu’autre chose, il était néanmoins toujours plaisant de savoir que la personne avec qui elle allait cohabiter était polie et bien élevée, contrairement à ce qu’elle avait pu parfois rencontrer dans son orphelinat. En revanche, elle semblait ne pas tenir en place. Peu de temps après s’être assise sur le lit lui appartenant, elle s’était déjà relevée pour attraper ce qui semblait être des pulls. Une fois retournée sur son lit, elle commença à les plier délicatement sous le regard attentif de la nouvelle arrivante. Au point, elle n’avait pas l’air du genre bordélique, un autre bon point.

« Je m’appelle Azil. »

Manami sursauta légèrement au moment où la prénommée Azil leva brusquement la tête pour lui dire son nom. Azil. Drôle de prénom, qui reste très jolie. Ca fait penser à « azur » la couleur bleu azur qu’on rapprochait souvent à celle du ciel ou encore de l’océan. Ce qui contrastait plutôt avec les cheveux rouges flamboyants de la jeune fille. Mais après tout, un nom reste un nom, il n’a pas plus de rapport avec la personne qui le porte qu’avec son physique. D’autant plus que « Azil » lui aspirait une couleur, mais que pour une autre personne, cela pouvait inspirer toute autre chose.

Elle détacha enfin les yeux de sa nouvelle colocataire pour les poser sur la valise située à quelques centimètres de ses pieds. Il fallait bien qu’elle s’y mette à un moment ou à un autre pour ranger tout ce qu’elle contenait. En posant à côté d’elle le livre à la couverture rouge-orangé –où l’on pouvait voir à présent écrit « Harry Potter et la coupe de feu » en lettres d’or- elle se mit à genoux devant la valise, en faisait attention de ne pas trop froisser la couverture. Le premier objet qu’elle attrapa fut un petit réveil carré de couleur bleu nuit. Elle compara l’heure qu’il indiquait avec celle que ça montre révélait. Exactement la même heure, à la seconde près, heure qui avançait d’ailleurs de cinq minutes -à la seconde près- par rapport à l’heure réelle. Une manie qu’elle avait depuis tellement longtemps qu’elle ne saurait dire comment ça lui était venu. Tout ce qu’elle savait c’est qu’elle ne supportait pas être en retard, voulant arriver toujours au moins dix minutes en avance, et que ce système lui permettait d’accomplir avec succès. Elle posa alors le réveil sur la petite table de nuit.

« Ah. Oui. Haku n’est pas là. »

Manami leva la tête vers Azil avec un regard reflétant toute son incrédulité. Elle la regarda en détail pour vérifier qu’elle d’adressait bien à elle, qu’elle n’était pas en train de parler au téléphone ou quelque chose du genre.

« Je ne sais pas quand elle revient. Si ça tombe, elle est avec un garçon… »

Encore un instant de réflexion et le déclic se fit enfin. Haku, ça devait certainement être la deuxième coloc’. Parce que sinon, Azil n’aurait pas eu de raison de lui en parler. Mais une inquiétude s’empara soudainement de Manami. A priori, Azil et cette Haku se connaissaient déjà et ne semblait pas se détestait. Une chose qu’elle craignait : se retrouver avec deux amies d’enfance –plus ou moins, ou simplement deux amies- du genre inséparable, avec qui elle n’arriverait pas à louer un quelconque lien à cause de la durée de leur amitié. Mais cette inquiétude disparu très vite : elle avait bien l’habitude de partager son dortoir avec ses pires ennemies, alors peu importe. Elle commença dont à ranger quelque livres dans le petit placard de sa table de nuit, en faisant bien attention de les ranger par ordre croissant suivant leur taille

« Tu es en quelle année ? »

D’ordinaire cette question aurait paru stupide. Etant donné que les dortoirs étaient répartis en fonction de l’âge, ceux se trouvant dans le même dortoir devaient être dans la même année. Mais d’après ce qu’elle avait compris, ici les classes –ou les années- n’étaient pas réparties en fonction de l’âge, mais en fonction du temps que les élèves avaient passés au sein de l’académie. Tout ce que Manami espérait, c’était que ses coloc’ soient en première ou deuxième année tout au plus, de sorte à ce qu’elle ne soit pas la seule qui ne sache pas du tout contrôler son pouvoir.

Age

Spoiler:

Azil est, comment dire… ? Elle n’est vraiment pas douée pour les présentations. Les présentations la gênaient plus qu’autre chose, d’ailleurs. Elle ne savait jamais quoi dire, quoi demander ni même par où commencer. Peut-être est-ce parce qu’elle avait peur de poser des questions jugées embarrassantes par l’interlocuteur. En fait, c’était juste parce qu’elle, elle ne parlait pas de sa vie, elle ne remontait pas aux origines, ne disait pas dans quelle ville elle habitait avant. Elle ne donnait pas grand-chose sur elle. Un nom, un prénom. Son âge, son année scolaire, sa date de naissance. Ensuite, plus rien. Elle ne parlait ni de sa vraie couleur de cheveux, ni de son ancienne école, ni des personnes qu’elle côtoyait. Elle noyait l’univers familial – qui n’était pas grand du tout – sous une autre question, signifiant à la personne qu’elle n’avait aucune envie d’en parler. Avant, elle ne se présentait pas. Avant, elle était « Machin ! », « Truc », « hé toi ! ». Avant, on ne l’appelait pas. Elle n’était rien. Et c’était plus facile de ce point de vue. Parfois, elle arrivait à se demander ce qui se passerait si jamais elle remettait les pieds dans son ancienne école. Est-ce que les filles arrêteraient d’être méchantes avec elle ? Et est-ce que Keiro la trouverait plus jolie ? Sûrement. Il lui tournerait autour, comme un rapace.

« Tu es en quelle année ? »

Azil sursaute, trop perdue dans ses poussières. Elle en avait oublié sa nouvelle colocataire. Ce n’est pas ça qui lui donnera une bonne impression de toi, Azil. Voyons, sois un peu plus gentille. Si, c’est possible. Elle repousse une masse de cheveux rouges et offre un sourire à sa colocataire. En quelle année es-tu, Azil ?

« En deuxième. Enfin… Ca fait deux ans que je suis là. »

En gros, elle n’était nulle part. Elle ne savait pas faire disparaître l’or des objets. Tout ce qu’elle savait, c’était maîtrisé la durée de la dorure. Elle pouvait faire le double du temps. Et le tout sans avoir ma à la tête. Azil se lève, les pulls d’Haku dans les mains et s’en va les remettre dans le placard de sa première colocataire. Il serait peut-être temps de lui expliquer la chambre, tu ne crois pas ?

« Si tu veux ranger tes vêtements, tu peux les mettre dans cette armoire. Elle est à toi. »

Elle lui désigne l’armoire, de la même taille que les autres. A côté, la sienne et à côté de la sienne, celle d’Haku. A la droite de l’armoire de Manami, l’armoire destinée à la future colocataire, la quatrième. Celle qui manque. Azil passe à autre chose, désigne des étagères de ses ongles rouges grenadine, entourés de latex.

« Si jamais tu n’as pas assez de place pour mettre tes livres, tu peux utiliser cette étagère. C’est la mienne mais comme je lis principalement mes livres à la bibliothèque, je ne l’utilise pratiquement pas. »

Elle se rassoit, en tailleur cette fois et entreprend de faire de petites tresses dans ses longues mèches rouges, son sourire sur les lèvres. Elle attrape son portable, échoué sous les oreillers et vérifie sa messagerie. Vous n’avez aucun nouveau message. Elle soupire, repose le portable. Devant elle, Manami continue de ranger ses livres. Azil observe. Ordre de grandeur. Elle les range par ordre de grandeur. Elle observe, impressionnée. Alors, Manami serait-elle… Comme une elle ? Une grosse maniaque du rangement ? … Ca m’étonnerait. Et Azil se rend bien vite compte qu’elle s’ennuie.

« Tu veux de l’aide ? »

Ce n’était pas uniquement par gentillesse qu’Azil posait la question. C’est juste qu’elle avait envie de ranger et de se rendre utile.

Age

A présent que les politesses d’usages du style « bonjour et bienvenue » étaient finies, il n’y avait plus beaucoup de choix pour les deux étudiantes. Elles pouvaient très bien s’en tenir là, sans ajouter un mot, et vivre ainsi leur scolarité chacune de leurs côtés, sans avoir à s’adresser la parole plus qu’il n’était nécessaire. Mais elles pouvaient aussi engager le dialogue, histoire de faire connaissance, apprendre à se connaître, en quelques sortes pour savoir à qui on aurait à faire. Et puis, cette Azil n’avait pas du tout l’air d’être une personne détestable bien au contraire. On pouvait même dire qu’elle inspirait plutôt la sympathie rien qu’en la regardant sourire. Et puis, sa coloc’ avait fait l’effort de commencer la conversation –où peut-être qu’elle n’avait parlé de cette fameuse Haku qu’en pensant à voix haute- alors elle pouvait bien aborder un sujet à son tour. Et tant qu’à faire, un sujet utile, enfin, plus ou moins.

« En deuxième. Enfin… Ca fait deux ans que je suis là. »

Parce que oui, la petite blonde lui avait demandé en quelle année elle était. Et sa réponse était gratifiée d’un sourire bien sûr. Deuxième année, ça voulait certainement dire qu’elle devait métriser un minimum son don. Ou peut-être pas. Après tout, les classes étaient réparties en fonction de la durée d’étude dans l’établissement, alors il était difficile d’imaginer qu’on puisse réellement redoubler, pas vrai ? Ici, le pire imbécile pouvait très bien être en dernière année, et le plus intelligent être en première. Elle se doutait bien que même dans sa classe, il y aurait certains élèves qui auraient déjà une assez bonne maitrise de leurs pouvoirs, contrairement à elle. Mais s’il y avait des pouvoirs plus faciles à maitriser que d’autres ? Elle s’arrête et regarde la jeune fille aux cheveux rouges pendant un instant. Elle l’observait, ses yeux déroulant sur son corps de haut en bas, comme si elle la passait aux rayons X. Ce n’était certainement pas de cette façon qu’elle allait savoir quel était son pouvoir à elle, ce n’était quand même pas écrit que le front des gens. Mais elle ne pouvait pas non plus lui poser la question. Si malgré les difficultés qu’elle avait eu avec son pouvoir, Manami n’éprouvait aucun mal à en parler –sauf si on abordait le point sensible de savoir comment elle le maitrisait- ce n’était pas le cas de tout le monde, et beaucoup à Aomori se retrouvaient réticents à en parler.

« Si tu veux ranger tes vêtements, tu peux les mettre dans cette armoire. Elle est à toi. »

Elle secoue légèrement la tête de droite à gauche, réalisant qu’il était malpoli de fixer quelqu’un que l’on connait à peine de la sorte. Elle tourne le regard vers les armoires que lui montre Azil pour remarquer celle qui lui est destinée. Quatre armoires, toute identiques, assez grande pour mettre tous les vêtements et d’autres petites affaires. La chambre était assez grande est assez bien équipée pour y mener une vie –ou une scolarité – tout à fait confortable. De petites étoiles rouges grenadines –qui n’étaient rien d’autres que les doigts de la jeune fille- traversent la pièce pour désigner d’autres meubles plus petit cette fois : des étagères.

« Si jamais tu n’as pas assez de place pour mettre tes livres, tu peux utiliser cette étagère. C’est la mienne mais comme je lis principalement mes livres à la bibliothèque, je ne l’utilise pratiquement pas. »

Elle hoche la tête la remerciant de sa proposition qui lui serait des plus utiles. Vu le nombre incalculable de livres qu’elle avait accumulé dans sa courte vie, il était fort possible qu’elle ait besoin d’une autre étagère pour pouvoir tous les ranger. Puis, la jeune fille aux couettes blondes fut confrontée à un problème : deux livres, le plus petit étant plus épais que le plus grand. Vous imaginez le dilemme ? Placer un livre plus gros et plus petit à côté d’un plus grand et plus fin, c’est tout simplement pas possible ! Il fallait alors peut-être réorganiser toute l’étagère, ce qui allait certainement prendre un temps fou. Après un long moment d’hésitation et un débat acharné dans sa petite tête, elle réussit enfin à placer tous les livres sans que ça soit choquant, grâce à un petit agencement.

« Tu veux de l’aide ? »

La petite blonde tourna son regard vers sa colocataire et laissant un bref silence s’installer entre elles. Elle aurait bien accepté mais le rangement de ses livres, c’est quelque chose de sacré et surtout de complexe pour quiconque n’a pas les mêmes habitudes tordues. Elle se vit contrainte de décliné l’offre poliment et termina de ranger les bouquins et son matériel de dessin. A présent il ne restait plus que quelques vêtements dans la valise. Après un nouveau soupire de l’étudiante, elle se dit qu’elle les rangerait plus tard et enferma tout pour placer son bagage au pied de son lit. Après quoi en se retournant, elle voit Azil assise en tailleur sur le lit. Une grande gêne s’empare d’elle et lui fait détourner le regard, la faisant ainsi s’asseoir sur son propre lit. Elle ne savait pas quoi dire et ce n’était clairement pas son style de l’aborder avec un vulgaire « Eh, raconte-moi des trucs sur toi, histoire de faire connaissance ! ». Non, si la belle jeune fille voulait raconter quoi que ce soit sur elle, elle le ferait certainement seule. Manami balançait son regard un peu partout dans la pièce, en cherchant un sujet de conversation qui pourrait mettre un terme à ce silence qui commençait à devenir pesant. Machinalement –comme à chaque fois où elle était un peu pensive- elle attrapa ce qui semblait être un prospectus dans une poche de son sac. Ce trac, elle ‘lavait précieusement conversé pendant trois longue années. Dessus, un pensionnat été représenté avec écrit « Pensionnat Aomori » écrit tout en haut. Trois ans qu’elle rêvé de venir ici, et enfin elle y était. Mais au final, elle ne savait pas grand-chose sur cette école si particulière, ni sur son fonctionnement ou quoi que ce soit d’autre. Elle se tourna alors à nouveau vers la deuxième étudiante et leva le papier qu’elle tenait pour qu’elle puisse le voir.

« Euh dis… Tu pourrais m’expliquer les trucs à savoir dans cette école s’il te plait ? »