La jeune fille était perdue dans ses pensées. Voir cette rose lui faisait un effet d'un marteau qui frappait dans sa tête.

Cette si jolie fleur qui était emprisonnée... Elle se mettait si facilement à sa place. La rose se mettrait à faner, entourée par les épines, seule. Son destin était tout tracé, comme le sien. Et cela l'attrista.

Il y avait des gens qui disait qu'on devait être maître de son propre destin, comme son grand-frère. Quand elle y pensait, il n'avait pas tort non plus, loin de là. Mais elle ne contrôlait pas son avenir elle. Et elle redoutait de partir.

Seulement, c'était comme ça, pas autrement. Dommage.

Dommage...

« Si j’avais une petite sœur, je suis sûr qu’elle serait moins chiante que toi. »

Elle se tourna, mais elle reconnut la personne rien qu'au ton de la voix. C'était le prof fumier de service, qui était en couple avec la chère Miss. Ravensgate. Une gentille prof d'ailleurs. Mais que faisait-il là au juste ?

Les autres avaient du prévenir son absence, et cela avait du bien le faire chier de venir la chercher, malgré le ton rieur qu'il avait employé à son égard. Pourquoi rieur ?

« Pourquoi tu t’es éloignée du groupe ? C’était le lieu de rendez-vous secret avec un garçon ? »

Elle fronça les sourcils. La rose n'aimait pas parler garçon avec lui, simplement parce qu'il était au courant pour l'accident qu'elle avait fait. Aussi, quand il se pencha en avant pour enfoncer encore plus le couteau dans la plaie, elle eut un sourire mauvais. S'il cherchait les ennuis, il allait les trouver.

« Il t’a foutu un lapin c’est ça ? Il ne faut pas déprimer pour ça. »

Sakura se mit face à lui. L'avantage avec ce prof, c'était qu'elle pouvait lui parler sans se cacher derrière son masque de gentillesse. Une bonne chose. Très bonne en cet instant.

« Je vois pas en quoi cela vous regarde. Mais au moins, c'est plus intéressant que d'animer des peluche, n'est-ce pas monsieur ? »

Un sourire mauvais apparut sur son visage. Comment le savait-elle ? Grâce à son atout. Le miroir magique. Elle l'avait surprise e train d'animer des peluches un jour où elle n'avait rien à faire. Prenant un air hautain, elle continua dans sa lancée.

« Il est vrai que cela devrait plaire à Miss. Ravensgate. Elle est si gentille et si innocente qu'elle trouverait ça certainement trop mignon. »

C'était tout de même un second pouvoir assez intéressant, elle devait l'avouer. Comment savait-elle que c'était son second pouvoir ? Parce qu'elle avait fait des recherches dans son dossier, et avait donc su que son premier pouvoir était le Marionnettiste. Qu'il ne contrôlait pas très bien d'ailleurs.

« … Et je ne déprimais pas, d'abord ! »

Non, je ne faisais que penser à mon avenir semblable à cette fleur emprisonnée.

Décidément, Sakura faisait toujours la gueule – c’était son expression la plus naturelle, il ne la voyait jamais comme ça avec ses « amies », il n’y avait que lui pour avoir droit à de tels éclairs dans les yeux et dans la voix, elle ne se forçait à rien. En attendant, elle ne devait pas être d’une compagnie bien agréable, déjà qu’il avait du mal à la supporter en cet instant.

« Je vois pas en quoi cela vous regarde. Mais au moins, c'est plus intéressant que d'animer des peluches, n'est-ce pas monsieur ? »

Son visage se crispa en un sourire nerveux.

« Comment tu sais ça ?
- Il est vrai que cela devrait plaire à Miss. Ravensgate. Elle est si gentille et si innocente qu'elle trouverait ça certainement trop mignon. »

Il fit une moue boudeuse, pestant dans sa barbe. Il n’était pas très fier d’avoir usé de ce pouvoir stupide pour séduire la jolie professeure – surtout que cela avait véritablement marché, comme il l’avait espéré ; mais il n’y avait rien de mal à espérer être gentil avec celle qu’il aimait. Il ignorait comment elle avait su tout ça, et finalement il n’espérait pas bien de réponse – il se doutait qu’elle ne cracherait pas le morceau ainsi, encore moins si facilement.
Il ne chercherait pas à savoir, là n’était pas le sujet et il n’allait pas s’étendre.

« … Et je ne déprimais pas, d'abord ! »

Il releva un sourcil, posant sa main sur sa tête avec force.

« Je te crois. »

Et il soupira, ce n’était pas comme s’ils étaient à nouveau partis pour parler de leur vie, ils s’étaient déjà tout dit et de la jeune professeure blonde, il ne préciserait rien. Ça ne la regardait strictement pas ! Surtout qu’il n’avait pas oublié son petit ménage, quand Mélodie le lui avait accidentellement révélé le quatorze février. La colère de cet instant s’était vite dissipée par l’euphorie qui avait suivi, alors il avait oublié de lui en parler, d’ailleurs voilà longtemps qu’il ne l’avait pas fait.
Cessant de l’ennuyer, il entreprit d'essayer de sortir de ces ronces qui commençaient à lui entailler la jambe – il détestait profondément la randonnée.

« On va rejoindre les autres. »

C’était sans appel, petit ami secret ou pas.
Il baissa la tête pour se dégager quand un détail attira son attention.

« Tu t’es blessée ? »

Rah, c’était bien sa chance.

Il ne s'était pas énervé. Bizarre. Normalement il l'aurait envoyé balader en l'injuriant. Mais là il se contentait de soupirer. Mélodie avait vraiment un bon effet sur lui apparemment. En même temps, c'était peut-être la meilleure chose pour lui, qu'il se calme. Qu'il puisse se contrôler. Elle fronça les sourcils. Depuis quand elle pensant en bien de ce fumeur de pacotille ?

« Je te crois. »

Dit-il en posant sa main sur sa tête.

Elle soupira, en même temps que lui. Elle fit ensuite la moue. Il ne s'énervait pas. C'était vraiment bizarre. Surtout qu'il devait être au courant de ce qu'elle avait fait à la professeur de musique. Mais il n'avait pas l'air de s'en soucier. Comme si cela ne comptait pas. Pendant une seconde, son air mélancolique réapparut sur son visage, tandis que ses yeux bleus paraissaient plus ternes que jamais.

« On va rejoindre les autres. »

Elle ne l'écoutait que d'une oreille. Plus le temps passait, plus elle se rendait compte de l'impact que son avenir avait sur elle. Et elle se demandait si elle allait être oubliée ou pas. Si les gens allaient encore se souvenir d'elle ou pas, ou si simplement, ils allaient la mettre de côté et l'oublier, doucement.

Penser à cette éventualité lui faisait mal, mais après tout, c'était peut-être la meilleure chose. Après tout, elle n'allait plus les revoir après. Les chances étaient infimes. Car elle serait isolée, dans le monde créé par ses parents.

Comme les princesses, enfermée dans une cage dorée.

« Tu es blessée ? »

« Hm ? C'est rien. »

Ah oui, ses égratignures.. Rien de grave. Ça piquait seulement, mais cela allait vite guérir. Se tournant, elle s'assit près d'un arbre, et regardant la jolie fleur. Elle soupira de nouveau. Il n'y avait bien qu'avec ce prof de philo qu'elle était en train de penser ainsi. C'était presque déprimant. Mais peut-être qu'elle déprimait alors ?

Non, ce n'était pas on genre de s'apitoyer sur son sort. Elle préférait voir le monde autrement, fuir la réalité. Dans ce cas, pourquoi pensait-elle à ça de plus en plus souvent ? Après tout, elle n'avait pas non plus refusée ce que ses parents avaient demandés.

Je ne sais plus ce que je veux...

« Vous comptez vivre avec Mlle. Ravensgate ? »

Comme si, d'un coup, l'avenir de ce prof l'intéressait, elle avait demandée cette question avec un air anormalement calme. Elle avait l'impression qu'elle n'arriverait pas à l'énerver aujourd'hui. Et elle n'avait pas spécialement envie de partir pour le moment. Ses yeux océan fixait les pétales d'un air pensif, tandis qu'elle se demandait s'il y avait beaucoup d'élèves dans son cas. Bizarrement, elle avait l'impression qu'elle avait de plus en plus de mal à accepter son destin.

Je ne sais vraiment plus ce que je veux.

Et bizarrement, elle avait envie d'en parler avec ce prof. Même s'il y avait peu de chance pour que ce soit son cas à lui.

« Hm ? C'est rien. »

Tant mieux, de toute façon il n’avait rien sur lui pour la soigner – il n’avait d’ailleurs rien du tout sur lui, pas de sac et juste son portable qui ne passait pas. Il avait fait cette réflexion par simple réflexe, ne s’en apercevant pas vraiment et surtout, n’écoutant qu’à moitié la réponse dont il n’était pas certain qu’elle l’intéressait.
Il avait du mal à dégager son pied des ronces, et donner des coups ne l’aidait pas franchement : il ne faisait que s’entailler le mollet et pester ne l’arrangeait pas. Saloperie, il se baissa et entreprit de les dégager à la main… mauvaise idée. Il commençait déjà à se faire mal, les pics s’enfonçaient dans sa paume, il lâcha un juron. Relevant la tête il put voir que Sakura s’était assise, il fronça les sourcils.

« Qu’est-ce que tu fiches ? On y va. »

Enfin, ils partiraient quand il se serait tiré de là, ça ne devrait plus tarder. Il faisait des efforts pour ne plus sentir la douleur mais c’était désagréable, et c’était littéralement sa semelle qui s’était planté dans les branches presque mortes. Il ne savait pas comment il avait fait ça, c’était à se demander s’il ne devrait pas l’enlever – il pourrait la déchirer.

« Vous comptez vivre avec Mlle. Ravensgate ?
- Hein ? »

Il avait relevé vivement la tête, ayant oublié l’espace d’un instant sa présence juste à côté. Sa question le prit au dépourvu, tellement qu’il ne pensa pas à rétorquer que sa vie privé ne la regardait pas –du moins qu’elle ne la regardait plus.

« Je-Je sais pas. »

C’était minable, et il baissait déjà les yeux pour réfléchir à comment dégager son pied. De légers tremblements dans les mains, il se coupa à la paume, il jura contre le vide de colère. Vivre avec Mélodie ? Il n’y avait jamais pensé avant, c’était bizarre de le faire d’un coup. C’était si loin, dans l’avenir, et cet avenir il ne l’avait jamais interrogé pour savoir comme il se passerait avec elle.
Qu’est-ce qu’il avait envisagé de faire ?

Il se releva, donnant un dernier coup de fatigue – ça le soulait, il se dégagerait plus tard. Il s’adossa à l’arbre juste à côté, gardant la face comme si de rien n’était. Il posa sa main sur le tronc.

« Et puis de toute façon, tant que je vivrai à Aomori la question ne se pose pas. »

C’était sa bouée de sauvetage : ce n’était pas qu’il avait évité le sujet, il n’y avait simplement pas de solution. Le ton de sa voix était cassant, il cachait mal son agacement.

« Pourquoi tu me demandes ça ? »

Il s'était pris les pieds dans les ronces, il était vraiment pas doué pour s'emmêler les pieds dedans, même la jeune fille y avait fait attention. Mais bon, il fallait qu'il fasse attention à ne pas y laisser sa jambe non plus, ça aurait été bête. Il parut étonné de sa question, ayant relevé la tête subitement pour la regarder.

Apparemment, il ne s'y attendait pas, et elle ne cilla pas devant sa surprise. Elle attendait sa réponse, calmement, le plus simplement du monde.

« Je-Je sais pas. »

Il ne répondit rien d'autre, tandis qu'il essayait de dégager son pied des ronces. Sa question avait du le faire réfléchir, car il avait un air concentré sur le visage. Il devait y réfléchir en même temps, elle en était certaine. Peut-être ne l'envisageait-il pas, ou alors c'était trop loin dans l'avenir pour lui. Elle n'en savait rien, mais était curieuse de savoir.

Bizarre qu'il ne l'ai pas encore envoyée balader. Il s'assit à son tour au pied d'un arbre, laissant son pied dans les ronces. Il devait en avoir marre, certainement.

« Et puis de toute façon, tant que je vivrai à Aomori la question ne se pose pas. »

Ou comment ne pas répondre. Il devrait bien se poser la question plus tard. Pas maintenant. Plus tard, comme pour éviter d'y penser, laisser le temps faire, voir si les choses marchaient ou pas...

Elle eut un fin sourire. C'était toujours comme ça au début d'une relation, à se poser des questions malgré les sentiments présents. Toujours vouloir savoir si cela va durer toujours, ou seulement un certain temps. A force de voir les autres tout rompre au bout de quelques mois, on se demandait souvent si cela nous arriverait aussi. Mais le fait même d'y penser mettait le doute en avant, l'élément principal et général d'une rupture.

Seulement, il n'y avait pas à avoir de doute pour le moment pour ces deux-là. Après tout, autant vivre le jour présent, et voir ce que le lendemain nous réserve. N'est-ce pas ?

« Pourquoi tu me demandes ça ? »

Sakura perçut l'agacement dans sa voix, et soupira.

« Par curiosité. Je ne suis pas la seule à me poser des questions sur vous deux je vous signale. M'enfin, vous devez bien vous en balancer, n'est-ce pas ? »

Son ton sarcastique était revenu, mais il sonnait faux. Elle ne s'en souciait pas, et fixa le prof droit dans les yeux. Elle mentait, il y avait une autre raison quant à sa question. Mais elle ne dît rien.

« Parce que peut-être que vous ne le savez pas, mais Miss. Ravensgate y a peut-être pensée, non ? »

Ce n'était pas une leçon, mais une simple question. Les filles avaient souvent tendance à penser à l'avenir, contrairement aux hommes. Maintenant, aller savoir s'ils en avaient déjà parler ces deux là... Miss. Ravensgate était tellement gentille et insouciante que si jamais il lui disait un truc qui lui plaisait pas, elle se laisserait faire.

Elle fronça les sourcils. Parfois, ça l'agaçait de la voir se faire écraser. C'était tellement bête.

Spoiler:

« Par curiosité. Je ne suis pas la seule à me poser des questions sur vous deux je vous signale. M'enfin, vous devez bien vous en balancer, n'est-ce pas ?
- Sauf que ta curiosité envers moi a toujours été malsaine. »

Il souriait, mais c’était plein de colère. Il y avait trop de choses que cette satané gamine savait sur lui, et même s’ils ne passaient pas autant de temps qu’avant à se pourrir la vie, ça restait difficile à oublier ; comme s’il avait peur, finalement, qu’elle brise son image – lui qui était persuadé ne pas en avoir, au fond, il ne voulait seulement pas l’avouer. Ça le ferait chier si, à cause d’elle, certains élèves commençaient à le regarder différemment ou à parler de ses histoires dans son dos – c’était personnel, et c’était honteux. Il pouvait encore passer pour un con avec des millions d’autres raisons qu’il aurait causées.
Ça, au moins, c’était facile, et il n’avait rien à regretter.

Ils avaient toujours eu, l’un envers l’autre, cette curiosité malsaine. Lui le premier, il avait joué avec le feu – mais c’était si évident de lui rejeter la faute. Foutue adolescente en fleur.

« Parce que peut-être que vous ne le savez pas, mais Miss. Ravensgate y a peut-être pensée, non ? »

Il eut un fort soupire exaspéré, avec un certain sourire tout de même, elle se foutait littéralement de lui – celui qui s’était éloigné de la femme qu’il aimait une première fois, par faiblesse, par peur, par nullité profonde. Qu’est-ce qu’il pouvait faire, hein ?
Il avait encore la photo d’Amy dans son portefeuille, pour simple raison qu’il avait oublié de l’enlever, tant ça n’avait plus d’importance à ses yeux – et depuis qu’il ne lui téléphonait plus, il avait l’impression de ne pas lui parler du tout. C’était mieux, comme ça, c’était rassurant.
Mélodie était la nouvelle et la seule femme dans sa vie, et pourtant cette question l’agaçait.

Il était le premier à qui elle avait accordé sa confiance, et le fait qu’elle puisse lui apporter tout son avenir et ses espoirs uniquement sur lui le dérangea. Comme s’il n'aurait pas les épaules pour ça – qu’il ferait tout foirer, en flippant comme ça, parce qu’il ne se sentait pas de parler d’avenir, pas encore. Kunisaki n’avait jamais imaginé vivre si longtemps, il pensait que sa vie s’était arrêté à l’adolescence, et que jusqu’alors il n’avait fait que se traîner pathétiquement.

Ça faisait mal, et il n’avait pas envie de lui dire.
Son pied refusait encore de bouger, mais il ne songeait plus de le dégager pour l’instant.

« Et alors ? Tu as parlé mariage imaginaire avec elle, peut-être ? »

Et il lâcha un rire acerbe, mauvais, qui le dégoûta lui-même. Car même si l’idée que Mélodie puisse parler de sa romance avec… elle, était irréaliste, il ne désirait pas se moquer.
Il avait envie de parler mariage imaginaire avec Mélodie, lui aussi, elle le rendait heureux – elle le rendrait toujours heureux. Il voulait rester toute sa vie à ses côtés, alors ce n’était pas fantasque.
Dans l’histoire, il n’y aurait que lui qui pourrait merder, et ça au fond il le savait.

Son soupire exaspéré lui fit sourire. Ah, il ne se contrôlait pas totalement, c'était déjà ça. Sakura le regardait, sans vraiment comprendre pourquoi cela le dérangeait cependant. Peut-être le fait qu'elle ai parlée de Mélodie et de relation à long terme ?

Non, ça ne pouvait être ça. Pourquoi ce sujet le dérangerait-il ? Après tout, il ne pouvait être que content d'être avec elle, non ?

Ou alors, il n'était pas prêt encore pour ça ? Peut-être que c'était la première fois qu'il était avec quelqu'un aussi sérieusement, et donc, le fait d'aller plus loin... Lui faisait peur ?

Non, c'était stupide.

« Et alors ? Tu as parlé mariage imaginaire avec elle, peut-être ? »

Et il eu un rire mauvais.
Il était vraiment bizarre, et elle n'arrivait même pas à le suivre des fois. Pourquoi un rire mauvais ? Il se foutait d'elle, c'était ça ?

Elle eut une mine indifférente, avant de prendre la parole.

« Apparemment, ça n'a pas l'air d'être votre cas, vu votre réaction. Et je dois dire que c'est étonnant. Après tout, vous devez être heureux ensemble, alors pourquoi cela a l'air de vous.. déplaire ? … Enfin, non, pas déplaire.. »

Elle planta ses yeux dans les siens, comme si elle pouvait lire ce qu'ils disaient. Le truc avec Sakura, c'était qu'elle était assez douée pour faire cracher le morceau aux gens, sans forcément user de son pouvoir. Mais elle devait avouer que son nouveau pouvoir lui était encore plus utile.

Scrutant les yeux noisette du prof, elle essayait de deviner pourquoi il était aussi... Fermé sur ce sujet. Pourquoi cela avait l'air de l'agacer.

Réfléchissant, elle mit toutes les informations dont elle disposait dans sa tête, et fit la part de chacun d'entre eux. Un, il n'avais jamais eu de relation sérieuse. Deux, il avait été fou amoureux d'une Amy, qui ne lui prêtait pas une once d'attention. Trois, il aimait Mélodie, qui lui ressemblait beaucoup. Quatre, c'était la première fois qu'il avait une relation sérieuse. Cinq, il était plutôt lunatique, mais avec elle, c'était comme s'il était dans un autre monde. Six, il ne supporterait pas de lui faire du mal, simplement parce que c'était la première fois que Mélodie sortait avec quelqu'un.

Un éclair traversa ses yeux, tandis qu'un sourire apparut sur ses lèvres. Elle avait devinée.

« Oh... je vois. C'est mignon... Vous ne voulez pas vous engagez avec elle, pour ne pas lui faire de mal à cause de votre caractère lunatique ? Ou alors, cela vous fait peur, simplement parce que c'est la première fois que vous vous engagez sérieusement ? Dans tous les cas, vous avez peur. Mais vous ne voulez pas l'admettre. »

Elle eut une mine rieuse, et regarda le ciel. Ah... Le monde était tellement étrange.
Et quelque part, elle les enviait. Oui, elle aurait aimé être à leur place. Ce n'était pas de la jalousie, mais une vérité pure. La rose aurait aimée avoir un petit ami aussi, et que cela dure longtemps, comme dans les contes. Oui, c'était une chose qu'elle n'aurait plus. Mais parfois, en voyant les autres, elle voudrait, juste une fois, connaître ça de nouveau.

Ce n'était qu'un souhait quelconque, mais un souhait restait un souhait.

« Apparemment, ça n'a pas l'air d'être votre cas, vu votre réaction. Et je dois dire que c'est étonnant. Après tout, vous devez être heureux ensemble, alors pourquoi cela a l'air de vous.. déplaire ? … Enfin, non, pas déplaire…
- Arrête ça, sois gentille. »

Une demande un peu soupirée – elle l’agaçait, il ne voulait pas parler de ça avec elle, ça ne lui regardait pas, ça ne lui regardait plus du tout. Qu’elle ne se mêle plus de sa vie, qu’elle disparaisse de sa salle de classe et qu’ils se lancent des remarques acerbes en guise de souvenir d’ici une dizaine d’années. Sakura l’emmerdait, il ne savait pas vraiment pourquoi il avait autant d’affection pour elle, c’était sûrement de la pitié, celle de savoir ce qu’elle avait vécu. C’était une fille bien, au fond, il s’en rendait compte, il était désolé pour elle – mais lui porter un regard compatissant ou empathique, c’était hors de question. Elle n’avait pas besoin de ça.
Cette histoire était terminée, maintenant, ils n’en parleraient plus : ni elle ni lui n’en avait envie.

Il s’assit, par terre, pris de flemme – de fatigue, de n’importe quoi. Elle ne le lâcherait pas et il attendrait, comme ça, sans raison, voir si sa chaussure s’enlèverait. Ses mains saignaient d’avoir trop tiré sur les ronces, ça ne servait à rien. Et Sakura, bien posée sur son tronc, elle n’avait pas l’air décidé à le laisser tranquille.
Sa tête tomba sur l’arbre, le regard fixé vers le ciel. Il faisait beau, pas trop chaud – c’était agréable, finalement.

« Oh... je vois. C'est mignon... Vous ne voulez pas vous engager avec elle, pour ne pas lui faire de mal à cause de votre caractère lunatique ? Ou alors, cela vous fait peur, simplement parce que c'est la première fois que vous vous engagez sérieusement ? Dans tous les cas, vous avez peur. Mais vous ne voulez pas l'admettre. »

Son visage ne réagit pas, ni lui. Il était apaisé, mais en fait il avait l’habitude. Il ne pouvait pas le lui reprocher directement – même si elle le faisait chier. Les bras sur ses genoux, il ne voyait pas trop quoi répondre. La vérité ; la situation était différente, maintenant, il pouvait répondre calmement et accepter la réalité – même si elle ne lui plaisait pas.

« C’est peut-être ça. Qu’est-ce que ça peut te faire, de toute façon ? Ce n’est pas ton problème. »

Il aimait Mélodie, et il n’y avait que ça qui comptait.
Même Sakura devait s’en douter, n’est-ce pas ?

« Ma chaussure est bloquée. »

Dit-il à lui-même, d’une façon un peu lâche, sans savoir pourquoi. Il baissa la tête vers les ronces, ses doigts furent attirés sur une fleur, là, juste au milieu.

« C’est étrange, il y a une rose coincée dans les ronces. »

Et il faisait la conversation, simplement, sans s’en apercevoir.

Il ne réagit même pas à sa remarque, il semblait apaisé au contraire. Comme si le fait de l'admettre ne pouvait pas lui faire de mal.

« C’est peut-être ça. Qu’est-ce que ça peut te faire, de toute façon ? Ce n’est pas ton problème... Ma chaussure est bloquée. »

Et alors, il n'avait pas qu'à la mettre dans les ronces, c'était son problème ! Soupirnt, elle passa une main dans ses cheveux.

« C’est étrange, il y a une rose coincée dans les ronces. »

Elle ouvrit les yeux de surprise, et fixait le blond dont les doigts se rapprochaient de la fleur. Elle eut une mine sombre, avant de baisser la tête. Ses cheveux rose cachaient la moitié de son visage, mais elle s'en fichait.

« Laissez la cette fleur. Elle n'a rien demandée... Elle est née entourée de ronces, comme pour la protéger des dangers extérieur... »

Pour la protéger... Balivernes. La rose finirait par faner, non ? Pourquoi la protéger alors ? Le résultat serait le même.

« C'est la nature, n'est-ce pas ? Toutes les roses ne sont pas aussi protégées par des épines... Mais... Est-ce qu'elle a demandée à être comme ça cette fleur ? »

La dernière phrase était un murmure. Plus pour elle même que pour le blond.
Elle y pensait de plus en plus, et cela lui faisait mal. Est-ce qu'elle voulait vraiment être ce que sa mère disait ? Une mannequin, une poupée.. une marionnette ?

Elle se recroquevilla, essayant d'oublier.
Peut-être était-ce sa punition. Être privée de liberté, avoir un avenir tracée et être manipulée par ses parents. Oui, c'était sa punition.

Sa punition pour ce qu'elle avait fait avant. Son erreur, son crime. Son péché ultime.
La mort.

Sakura ferma ses yeux bleus, et pensa à autre chose. Il ne fallait pas qu'elle ait ce souvenir en tête. Il fallait qu'elle ai des pensées plus joyeuse, plus...

Inutile. Cette fleur lui parasitait la tête, lui rappelant qu'elle avait un temps limité à sa liberté. Et qu'après, elle était perdue. Elle deviendrait le pion de sa mère et de son père. C'était peut-être pour ça qu'elle manipulait les autres... Parce qu'elle même était manipulée. Et qu'elle ne pouvait pas se rebeller.

« Tss... C'est peut-être ça...

Elle leva ses beau yeux vers la fleur, qui semblait luire au milieu des ronces.

« … Ma punition... »

C'était un chuchotement. Elle eut une mine triste, avant de fixer de nouveau le prof blond. Elle arqua un sourcil, avant de reprendre sur son ton moqueur.

« Faut être doué pour coincer sa chaussure dans des ronces n'empêche. »

Juste un changement de sujet. Elle ne voulait pas qu'il ai remarquée son visage triste. Il n'avait pas besoin de savoir. Non, de toute manière, il n'en avait rien à faire.

Non, il s'en foutait d'elle. C'était un fait.

« Laissez la cette fleur. Elle n'a rien demandée... Elle est née entourée de ronces, comme pour la protéger des dangers extérieurs... C'est la nature, n'est-ce pas ? Toutes les roses ne sont pas aussi protégées par des épines... Mais... Est-ce qu'elle a demandé à être comme ça cette fleur ? »

Il arqua un sourcil, vraiment perplexe par ces réflexions qu’elle se faisait (sans doute) à elle-même ; il ne voyait pas bien pour quelle raison elle commencerait à lui parler comme ça. Elle lui avait peut-être révélé l’épisode le plus noir de son existence, il en avait peut-être déduit cette solitude immense qui l’entourait, au final ils ne se disaient plus rien – tant que ça ne contenait ni une insulte ni un reproche. Ils se comprenaient peut-être, au fond, sans se parler. Ils savaient quand l’autre allait bien, quand il se sentait seul – ils faisaient avec, chacun, ils étaient là sans l’être.
Mais il eut de la peine pour elle, en cet instant, ça le frappa un peu brusquement. Beaucoup de pitié aussi – c’était bien souvent de la pitié.

Il se mit à l’observer, en silence, entendant le moindre de ses soupirs ; la forêt offrait un silence pesant, agréable en cet instant. Il avait le sentiment qu’il ne pouvait rien se permettre de dire, comme s’il respectait sa soudaine mélancolie, qu’il l’acceptait aussi. Voilà un moment qu’il se sentait heureux (et ce malgré les récents évènements), il fallait bien comprendre que ce n’était pas forcément son cas.
Ça lui fit un peu de peine.

C’était bizarre, car il réalisa qu’il n’avait jamais appris à la consoler. Comme si sa présence emmerdante avait suffi, jusqu’à présent.

« Tss... C'est peut-être ça... Ma punition... »

Sa tête tomba vers elle, toujours en contact avec l’arbre.

« Faut être doué pour coincer sa chaussure dans des ronces n'empêche. »

Et il laisse échapper un rire, un beau rire finalement – plein de spontanéité, c’était comme si jusqu’à maintenant de tels instants n’avaient jamais existé. Il se repositionna, le contact avec les ronces lui arracha une injure.

« Je vais l’enlever. Et après on s’en va. »

Et il le fit – il l’enleva rapidement avant de tirer dessus, avec force, enlevant ce pic qui s’était incrusté dans la semelle (il ne faisait jamais de sport, ses baskets étaient effroyablement vieilles et abîmées). Une fois dans la main il se releva et la remit, avec plus d’attention cette fois-ci. Quand il eut terminé il la rejoint, finalement, et vint s’assoir juste à côté. Ce fut peut-être une bonne minute qui s’écoula dans le silence de la forêt, c’était comme s’il n’avait rien besoin de dire.
Pourtant c’était faux – elle avait l’air d’avoir beaucoup de choses sur le cœur, qui faisaient mal. Il connaissait bien la douleur Kunisaki.

« Tu ne me dirais pas ce que te tracasse… même si je te le demandais, pas vrai ? »

Il la regardait, les mains sur le tronc il était un peu en arrière. Finalement il détourna la regard – il était apaisé, lui, dommage qu’elle ne puisse pas l’être aussi.

« Alors si tu préfères fixer devant toi avec un air mélancolique jusqu’à en avoir des fourmis dans les jambes, je comprendrais. »

Il était gentil, au fond, et il l’aimait bien. C’était peut-être pour ça qu’il était gentil d’un coup – c’était à se demander s’il ne l’était pas seulement quand la situation le demandait.

Son rire l'étonna. Pourquoi il riait ? Parce que la voir dans cet état l'amusait ?

La jeune fille eut un air fermé. C'était vraiment un enfoiré en fait ce prof. L'observant, elle eut un un sourire quand il se remit en place, avec une injure en sentant une épine dans sa jambe ou son pied. Soupirant, elle laissa sa tête sur ses genoux.

« Je vais l’enlever. Et après on s’en va. »

Il arracha sa jambe avec force, et enleva l'épine de sa semelle. Ainsi, c'était sa chaussure vieille qui lui faisait mal ?

Peu importait. Il restait avec seulement parce qu'il était prof. A quoi bon se soucier qu'il ait mal ou pas, hein ? Il s'en foutait d'elle, alors elle s'en foutait de lui aussi. Même si elle aimait bien ce prof au fond.

C'était tellement paradoxale. Elle le détestait, mais l'appréciait quand même. Quoi qu'il en soit, il pouvait partir maintenant, elle n'en avait rien à faire. Elle avait juste envie d'être seule rien de plus.

Sakura l'entendit se relever, mais ne réagit pas. Elle n'avait pas envie de partir maintenant, elle voulait se vider l'esprit. Penser à autre chose qu'à son avenir.

Elle fut de nouveau surprise quand elle le vit s'asseoir à côté d'elle. Pourquoi il était là ? Pourquoi il ne lui faisait pas des remarques acerbes et autres ? C'était quoi son problème à ce prof ?

Un silence s'installa, tandis qu'elle le fixait. Il était bizarre. Pourquoi il s'était assis à côté d'elle ? Il avait pitié d'elle ?

Elle se renferma. Elle n'avait pas besoin de sa pitié, elle était assez mal comme ça, pas besoin de compassion. Surtout pas venant de lui.

« Tu ne me dirais pas ce que te tracasse… même si je te le demandais, pas vrai ? ... Alors si tu préfères fixer devant toi avec un air mélancolique jusqu’à en avoir des fourmis dans les jambes, je comprendrais. »

Il avait vraiment pitié, ou alors c'était de la gentillesse ? Pourquoi il serait gentil avec elle, après tout ce qu'il s'était passé ? C'était inutile. Et une perte de temps. Mais pourtant, elle le regardait, sans comprendre. Il était lunatique ce prof, mais à ce point...

« Tss.. Je savais que Miss. Ravensgate avait de bons effets sur vous, mais à ce point... Cependant, mon cas est assez désespéré. Je n'ai pas besoin de votre pitié. »

Non, elle n'en avait pas besoin. Mais elle se rappelait une soirée sur un toit, et elle eut le cœur serré. C'était la première fois qu'ils s'étaient vraiment parlés à ce moment là, avant que Mélodie n'arrive, avant qu'elle se pose des questions sur elle même.

Avant qu'elle ne se rende compte à quel point elle était utilisée.

Ses yeux se posèrent de nouveau sur la rose, et elle reprit la parole.

« J'ai un avenir semblable à cette fleur. Il est déjà tracé, ma vie est déjà décidée. Je n'ai plus de choix de futur. Je n'ai jamais pu le décider. Et au final... Je vais finir comme cette fleur. Seule au milieu de ronces. Étouffée par un avenir écrit... »

Elle baissa les yeux, et posa sa tête sur ses genoux. Elle avait juste envie de dire ça, rien d'autre. Mais après, si le prof n'en avait rien à faire...

Elle s'en fichait. De toute manière, elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait. Elle n'avait plus le choix. Sa liberté serait prise dès l'instant où elle partirait du pensionnat.

« Tss.. Je savais que Miss. Ravensgate avait de bons effets sur vous, mais à ce point... Cependant, mon cas est assez désespéré. Je n'ai pas besoin de votre pitié. »

Elle avait raison, et pour ça il eut un faible sourire. Il se pencha en arrière, encore, regardant le ciel – on le percevait, goute par goute, entre les branches et les feuilles des arbres.

« J’aurais bien aimé qu’on ait pitié de moi, à ton âge. Ça m’aurait suffi. »

Quand bien même leurs existences n’avaient rien à voir, au fond il y avait ce lien – léger, ce fil commun, cette solitude dans laquelle ils avaient été plongés, cette solitude qu’il avait eu bien du mal à quitter. Personne ne le voyait, lui, quand il avait dix-sept ans, il n’avait jamais eu besoin de se cacher. Pas de fleur, pas de pouvoir ou de faux-semblants, il n’inquiétait personne.
Sans aucun doute qu’il aurait envoyé valser tous les vieillards qui auraient osé poser sur lui un regard plein de pitié ; en attendant, c’était peut-être la seule chose dont il aurait eu besoin. Encore plus parce qu’il n’aurait pas pu l’admettre.

« J'ai un avenir semblable à cette fleur. Il est déjà tracé, ma vie est déjà décidée. Je n'ai plus de choix de futur. Je n'ai jamais pu le décider. Et au final... Je vais finir comme cette fleur. Seule au milieu de ronces. Étouffée par un avenir écrit...
- Tu n’as vraiment pas le choix ? »

Il devait le savoir, car les détails de sa vie il ne les savait pas tous – il n’avait peut-être pas besoin de tous les connaître non plus. Il ne pousserait pas la curiosité jusque-là, il la laisserait parler, cette fois, sans la forcer et sans chantage abusif. Elle avait raison, Sakura, Mélodie lui faisait du bien – beaucoup de choses l’avaient apaisé aussi, comme la violence étrange d’Haine, d’avoir parlé (enfin) avec Hikari ou d’avoir revu son père, même si son état comateux avait surgit de là. Il n’était pas trop tard, pour elle.

« L’avenir est loin, encore. »

Et s’il regardait devant lui, il ne le voyait pas – pas avec Mélodie, pas tout seul, pas à Aomori ni dans un autre pays. L’avenir il ne le voyait pas, il n’avait pas besoin de le voir ; il laisserait les évidences se transformer en problèmes, les suppositions devenir plus réelles, les cauchemars tenir sa vie ou la laisser en suspens. Il ne voit pas l’avenir, Kunisaki, il l’attend.

« Tu ne penses pas qu’il peut changer d’ici là ? Tu ne penses pas que le présent peut avoir raison de lui ? A 17 ans je serais mort si on m’avait que je finirais professeur de japonais au Japon avec des élèves comme vous. »

Il sourit en la regardant, relevant un sourcil – et vlan. Il regarda l’horizon à nouveau.

« Mais je suis content d’être là, finalement, j’y ai trouvé mon compte. »

Il était heureux comme il ne l’avait jamais été – c’était d’une connerie et d’une niaiserie sans borne, mais ça allait bien comme ça.

« Alors si tu dois finir enfermée dans les ronces, au moins ne te coince pas dedans dès maintenant. »

Et il la regarda, espérant bien qu’il avait dit ce qu’il fallait.
Quitte à la voir triste, il préférait encore en être la raison – ce n’était pas drôle quand ce n’était pas le cas.

Peut-être qu'il aurait aimé qu'on ai pitié de lui à son âge, mais elle non. Son cas était déjà assez compliquée, pas besoin de pitié en plus. Elle n'était pas digne de ça, elle préférait être seule et sans personne plutôt qu'on ai pitié d'elle. Non, c'était une question de fierté.

Elle ne voulait pas de ce genre de chose, non. C'était juste horrible, et aussi rabaissant. La pitié... Tss.

« Tu n’as vraiment pas le choix ? »

Bien sûr que non. Elle n'avait plus le choix. Et elle ne l'avait jamais eu. Et savoir déjà ce qui lui attendait lui faisait mal. Cela lui faisait de la peine de savoir ce qu'elle allait faire, ou de savoir que ce sont aussi sûrement ses parents qui vont décider de l'homme avec qui elle va partager sa vie.. Sakura était soumise à eux. Et à ce moment là, elle avait presque envie d'être comme son frère. Seulement, cela allait les décevoir, et elle ne voulait pas que ça arrive.

« L’avenir est loin, encore. »

Oui, mais pour elle, le délais se raccourcissait de jour en jour. Chaque minutes passées étaient une minute en moins sur sa liberté. Une liberté tellement éphémère...

« Tu ne penses pas qu’il peut changer d’ici là ? Tu ne penses pas que le présent peut avoir raison de lui ? A 17 ans je serais mort si on m’avait que je finirais professeur de japonais au Japon avec des élèves comme vous... Mais je suis content d’être là, finalement, j’y ai trouvé mon compte... Alors si tu dois finir enfermée dans les ronces, au moins ne te coince pas dedans dès maintenant. »

Elle leva les yeux vers lui. Il essayait de faire quoi là ? De la rassurer ? Ses yeux croisèrent les siens, et elle eut une mine triste.

Elle était si désespérée pour que ce prof essaye de la rassurer ? Vraiment ? Elle se remit à fixer la rose, et soupira.

Un petit soupir, simplement parce qu'elle était fatiguée. Fatiguée de tout ça, de ce qui lui arrivait. Fatiguée d'essayer de trouver une solution alors qu'il n'y en avait pas. Il n'y avait pas de porte de secours, il n'y en avait jamais avec ses parents.

« Je... N'ai jamais eu le choix. Dès que mes études ici seront finies, mes parents me prendront en charge, et je n'aurais le droit de rien dire. »

Elle sera menée par le bout du nez, sans avoir le droit de protester, ou quoi que ce soit. C'était triste de finir ainsi, surtout pour une fille comme elle. Elle qui sortait tout le temps, qui avaient des gens avec qui traîner, qui s'était fait une vie ici... Tout ça sera fera partit d'un passé agréable quand elle partira, car elle ne pourra plus être aussi libre qu'ici.

Libre. Une chose qu'on voulait tous. Être dépendant de soi même, rien de plus. Et elle n'aura pas droit à ça.

« C'est moi qui serait manipulée cette fois. Sauf que je le saurais, mais je suis obligée de me taire. Un peu comme une marionnette, menée à la baguette par ses parents. Une vulgaire poupée qui devra obéir, simplement, sans liberté ni libre arbitre. »

C'était triste. Mais c'était son futur. Son avenir prochain. Rien d'autre.

Il lui porterait toute l’attention, celle qu’il était le seul à pouvoir lui donner, maintenant.
Il se pencha et posa son coude sur son genou, levant le regard vers elle. Il l’avait rarement vu comme ça – sans méchanceté, sans force, sans prétention et sans faux semblants ; sans pleurs aussi. Elle était seulement mélancolique, calme, elle était la seule à le surprendre à se montrer ainsi. Il pensait que même à lui, elle la cacherait au maximum, elle ne s’était pas relevée pour partir. Il avait de la peine pour elle – et pour lui, aussi. Il aurait aimé ne pas être gêné, il aurait aimé ce que soit normal, de l’écouter comme cela, pourtant ça ne l’était pas.
Ils n’étaient ni amis ni ennemis, mais il ne la laisserait pas comme ça. Comme on l’avait oublié, à son âge.

« Je... N'ai jamais eu le choix. Dès que mes études ici seront finies, mes parents me prendront en charge, et je n'aurai le droit de rien dire.
- Je l’ignorais. »

Il le dit tout simplement, sans l’interrompre. Après tout il y avait énormément de chose qu’il ne savait pas, il le remarquait à présent. Tout particulièrement sur sa famille, il ignorait si ses parents étaient séparés (il supposa bien que non) ou si elle avait des frères, des sœurs. Il la voyait très fille unique, d’une solitude à toute épreuve – une personne indépendante et fière de l’être, sans barrière ni contrainte.
Il était réellement surpris mais son visage resta impassible. Il l’écouterait jusqu’au bout.

« C'est moi qui serai manipulée cette fois. Sauf que je le saurai, mais je suis obligée de me taire. Un peu comme une marionnette, menée à la baguette par ses parents. Une vulgaire poupée qui devra obéir, simplement, sans liberté ni libre arbitre. »

Il laissa planer un certain silence – de ces silences qui témoignaient de son incapacité à répondre, à comprendre aussi, c’était difficile d’imaginer cela. Beaucoup avaient des parents sévères, mais ça dépassait ce stade ; et lui il ne savait pas quoi dire. C’était faible, c’était nul. Surtout pour un prof de philo.
Il regardait devant lui, il poussa un profond soupire ; celui qu’on lâche avant d’avouer, de tout avouer – des détails qu’il n’aurait jamais pu préciser aucunement.

« Je me demande si tu es libre, maintenant. »

Ce n’était pas ça qu’il aurait dû dire. Il fallait la réconforter, lui parler de cet avenir inconnu que personne ne pouvait diriger à sa place, de cette liberté qu’elle espérait tant – lui dire qu’elle l’aurait, seulement.

« As-tu déjà parlé de ça à quelqu’un, un ami, peut-être ? Sans chercher à savoir quelle image tu donnerais, sans chercher à décevoir qui que ce soit. »

Il ne la regardait plus – il avait l’impression qu’il la blesserait, cette fois, vraiment. Au plus profond qu’il la blesserait et il ne le voulait pas.
Il préférait encore ne pas la regarder du coup.

« Tu es la rose au milieu de la foule, des ronces. Si tu n’es pas plus forte tu finiras par faner, toute seule contre tous. C’est ce que tu te dis ? »

Il se releva, face à la nature, au silence – ç’aurait pu être reposant, maintenant.

« Tu peux être libre ici, tu peux être libre n’importe quand, même à la fin de tes études. Il te manque un peu de confiance, et alors tu pourras tailler la route. Tout te sera accessible. »

Comme lui avait taillé la route, comme lui était parti loin d’ici.
Ce n’était pas une erreur, si ?

Le silence s'installa. Décidément, il ne savait pas quoi dire, ou alors il ne vouait rien dire. Bref, il servait à rien. De toute manière, elle était condamnée. Et rien ne pourrait changer ça. Même pas lui. Ses paroles ne pourraient rien lui faire de toute manière. Mis à part lui donner un espoir vain, sans intérêt.

Mais qu'elle pourrait caresser du bout de ses doigts, avant qu'il ne file comme le vent. Comme un mirage, une illusion. Rien d'autre.

« Je me demande si tu es libre, maintenant. »

Elle le fixait, mais il ne la regardait pas. Quelle question stupide. Oui, elle était libre. Et le fait d'avoir goûtée à cette liberté lui donnait envie d'être libre tout le temps. Comme un oiseau qui venait d'apprendre à voler, mais qui allait être en cage après.

Rien de plus, rien de moins. Alors pourquoi posait-il cette question ? Stupide. Il pouvait se montrer si stupide des fois...

 « As-tu déjà parlé de ça à quelqu’un, un ami, peut-être ? Sans chercher à savoir quelle image tu donnerais, sans chercher à décevoir qui que ce soit. »

Elle eut un air surpris. Non, elle n'en avait jamais parlée à personne. Pourquoi le faire de toute manière ? Qu'allaient-ils dire ?

Leur paroles ne pourraient rien changer. Le fait qu'il dise ça ne changera rien non plus. Rien ne changera. Parce qu'elle ne pouvait pas être contre ce que dirait ses parents. C'était comme ça, et puis voilà. Il disait ça sans la regarder, pourquoi donc ? Avait-il peur d'affronter son regard ?

Elle eut un petit soupire. Il était vraiment étrange ce prof. C'était une certitude.

« Tu es la rose au milieu de la foule, des ronces. Si tu n’es pas plus forte tu finiras par faner, toute seule contre tous. C’est ce que tu te dis ? »

Oui, c'était ça. Elle n'était pas assez forte pour combattre ses parents. Elle savait qu'elle allait les décevoir si jamais elle faisait ça. Et elle ne voulait pas le faire. Non, elle ne voulait pas voir cette expression déçus qu'ils avaient quand son frère faisait des siennes.

Le prof se releva, et regarda en face de lui. La nature, et cette fleur au milieu des ronces. Elle lui était si similaire...

« Tu peux être libre ici, tu peux être libre n’importe quand, même à la fin de tes études. Il te manque un peu de confiance, et alors tu pourras tailler la route. Tout te sera accessible. »

Elle le scrutait, enfin, elle regardait son dos. Il ne lui aurait jamais dit ça avant. Personne ne lui aurait dit ça.

« … Vous êtes bizarre. Personne ne m'aurait dit ça. Même pas mon frère. Au contraire, je crois qu'il s'en moquerait. »

Sur ces paroles, elle eut un sourire bien triste. Elle n'avait jamais été proche de son frère, simplement parce qu'elle obéissait à ses parents, et pas lui. Et cela détruisait tout contact entre eux, simplement parce qu'ils ne se comprenaient pas.

« Ce n'est pas une question de confiance. C'est juste que je ne veux pas décevoir mes parents. Je ne veux pas être comme mon frère, à désobéir tout le temps. Seulement... »

Seulement son frère était libre lui. Seulement, c'était elle la prisonnière.
Et elle en était la seule responsable.