Ayumu avait, sans s’en rendre compte, entrelacé ses jambes avec celles du jeune homme. Sa tête était posée contre son torse, ses cheveux balayant l’épaule plus au dessus, et une de ses main était posée sur le ventre de l’intéressé. Elle avait eu froid pendant qu’elle dormait, puisqu’elle avait finit par se coller contre lui. Elle n’avait évidemment pas quitté ses vêtements de la veille, une robe qu’elle avait faite pour halloween – et qui, par conséquent, était assez excentrique -. La robe était noire, du tulle blanc dépassait de la jupe pour donner un effet bouffant et un peu déchiré sur ses jambes nues. Le haut était plus basique, noir, toujours bien que près du corps et un peu échancré. Elle avait ajouté des perles sur le buste pour trancher avec la simplicité du patron, et de la dentelle pour redessiner la poitrine. Par contre, elle ne portait plus qu’une ballerine noire, l’autre ayant disparue on ne sait où.

Elle sentait sous sa joue quelque chose de doux et dur à la fois, comme si on avait mit des livres dans un oreiller à plume. A vrai dire, elle avait très sommeil, mais émergeait doucement, comme après une longue sieste pendant l’après midi. Celle qui vous assomme mais qui repose et qui est tellement agréable. Elle sentait sous ses doigts un tissu agréable, qu’elle prit pour sa couverture et qu’elle caressait machinalement. On ne nierait pas, Ayumu faisait assez simple d’esprit pour ne pas se rendre compte qu’elle n’était pas dans sa chambre : l’odeur était agréable mais différente, le « lit » sur lequel elle dormait était plus dur que dans sa chambre,et pas franchement plat. Elle aurait pu se rendre compte de tout ça, mais non, décidemment non, le sommeil était plus fort et lui embrumait l’esprit. Elle ne bougea pas, laissa son esprit se réveiller petit à petit, profitant de ce brouillard pour ne penser à rien. Au bout d’un moment, elle poussa un long soupir, comme pour chasser les nuages qui obstruaient sa pensée, et leva sa main gauche pour se frotter les yeux. C’est alors que son reveil se transforma en vision d’horreur, triste réalité : Une menotte était accrochée à son poignet, cliquetant sous ses mouvements. Elle cria aussitôt et, dans la précipitation, leva sa main en se relevant. Un poids suivit le geste : une tête, plus exactement. Horrifiée, elle regarda le visage, qu’elle ne connaissait pas. Elle imagina tout de suite la situation : elle avait été enlevée après être allée se coucher –elle ne se souvenait pas être retournée dans sa chambre, mais c’est bien la seule chose qu’elle avait pu faire, non ?- par des proxénètes qui l’avait enfermée dans une chambre, où elle serait obligée de servir d’objet pour des hommes de 50 ans, moches et avec un gros ventre mou qu’ils voudraient coller contre elle. A cette vision, ses yeux s’embuèrent. Son cerveau allait disjoncter, elle le sentait. Il fallait trouver une autre solution, un autre sénario, ce n’était pas possible ! Elle voulu inspecter la pièce, et remarqua les trois autres lits, ainsi que des bureaux, posés de la même manière que dans sa propre chambre. Un réveil posé sur une table de chevet montrait 23h 25. La lumière dans la chambre était pourtant allumée, et l’abat-jour qui l’accompagnait était identique à celui qu’elle connaissait au-dessus de son propre lit. Elle se rassura en concluant qu’elle était encore au pensionnat, et qu’elle n’avait donc rien à craindre. Enfin…
Maintenant, elle devait prendre une décision : réveiller ou non l’homme à côté d’elle ? L’homme en question n’était d’ailleurs qu’un adolescent, de dix-sept ans tout au plus. Il devait être en dernière année, et était beaucoup plus grand qu’Ayumu. Il avait des cheveux blonds et longs en bataille, qui cachaient de moitié son visage. Il était habillé d’un jean et d’un tee-shirt bleu vif, accompagné d’un grand sweet vert pomme. Il semblait dormir paisiblement, avec même un petit sourire aux coins des lèvres. Elle arrêta de le fixer quand elle se rendit compte de ce qu’elle faisait. C’était très impoli de regarder quelqu’un dormir, essaya-t-elle de se raisonner. Et s’il se réveillait tout d’un coup, elle aurait l’air d’une obsédée ! Mais elle se rendit compte ensuite que c’était sur ce tee-shirt, et donc ce torse qu’elle avait dormit. Son tee-shirt était un peu relevé, là où elle avait sans doute prit le tissu pour un drap de couette… Elle avait chaud, tout d’un coup. Elle passa sa main libre dans ses cheveux pour que ceux-ci ne collent pas à son front. Elle frotta ses yeux pour voir si son maquillage n’avait pas coulé, puis attendit. Elle espérait que l’adolescent blond se réveille de lui-même, comme par magie, n’osant pas le réveiller. Elle avait un peu peur, en réalité. Elle serait bien restée toute sa vie comme ça, à attendre, pour ne pas avoir à faire face à lui. Elle regardait avec de gros yeux son poignet menotté à une grande chaîne, qui allait jusqu’au cou du jeune homme.
Seule, dans le silence de la pièce, elle se demandait qui avait pu bien faire un truc pareil. Elle ne se souvenait pas de ce qu’elle avait fait après le repas de fête, qui avait d’ailleurs été vraiment délicieux, malgré un arrière goût écoeurant dans la soupe à la citrouille. Rien dans ses souvenirs ne semblait pouvoir expliquer la situation où elle était maintenant. Elle se décida à réveiller l’endormi, en pensant qu’elle ne pouvait décidément pas rester là sans rien faire !

« Dit, demanda-t-elle doucement en lui poussant le bras, réveille toi, y à un problème là… »

Elle essuya d’un revers de main la bave qui avait coulé de sa bouche jusqu’à sa joue avant qu’il ne se réveille. Elle pria d’ailleurs pour que le garçon sur qui elle avait été ne remarque rien, car si en plus il voyait qu’elle lui avait bavé dessus, elle ne s’en remettrait pas ! Autant ne pas préciser qu’elle était rouge comme une écrevisse, honteuse d’elle ne savait quoi. Elle qui n’avait jamais « rien fait » avec un adolescent de son âge, elle venait carrément de dormir collé/serré contre un élève de l’école, plus âgé qu’elle par la même occasion… Au secours, cachez-moi, pensait-elle en rougissant de plus en plus, n’esquissant pas un mouvement. Toutes les pensées dans sa tête se cognaient, s’emmêlaient pour ne former qu’un gros sac de nœud. Que c’était-il passé ? Comment était-elle arrivée ici ? Elle reconnue facilement par le nombre de caleçons étalés sur le sol qu’elle se trouvait bien en terre inconnue. Elle n’avait quand même pas… quand même pas… Si ? Non ! Stop ! Stop stop stop stop stop ! C’est pas possible, ressaisit toi ! pensa-t-elle, incrédule. Ayumu détestait rougir, car les autres pouvaient comprendre aisément qu’elle était gênée, et elle savait qu’elle avait l’air encore plus idiote. Elle mit ses mains sur son visage, comme pour refroidir ses joues et stopper l’afflux sanguin.

« Qu’est ce que je fais ici ?, lui demanda-t-elle du tac au tac quand le blond fut réveillé, comme pour reprendre le dessus sur la situation. C’est toi qui nous a menotté ? Parce que franchement, si c’est le cas, t’es super glauque comme mec ! »

Comme si ça pouvait être de sa faute… Mais il fallait bien un coupable dans cette situation de merde ! C’est à ce moment-là qu’elle remarqua une clé à ses pieds. Plutôt jolie d’ailleurs. Elle faisait assez vieillotte, et avait une couleur métal jaune sable. Ayumu la prit avec sa main droite et remarqua qu’elle avait un petit mot accroché avec elle :

« Trouvez ce que j’ouvre, c’est la clé de votre bonheur, lu-t-elle a haute voix. Qu’est ce que ça veut dire ? »

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Avant qu’elle ne put ajouter un mot, il l’attrapa par le poignet. Elle se retourna d’un geste brusque, les sourcils froncés sous la surprise, les joues encore un peu rouges. Il ne la laissa pas lancer un mot qu’il commençait déjà :

« Réfléchis avant de parler. Je suis autant attaché que toi, de plus je ne me rappelle pas de la soirée ni de rien du tout. »

Sa mine était grave, et ses yeux restaient fixés sur elle : il semblait sérieux. Mais cela, Ayumu, y était complètement hermétique. Elle avait levé un sourcil, la moue toujours aussi accusatrice. Elle était horrifiée de voir qu’aucun d’eux –AU MOINS LUI- ne se souvienne de quoi que ce soit. Ils se fixaient toujours, et il pouvait sans doute lire dans ses yeux « T’es qu’un pauvre nul. Si je suis plus vierge, je te pète la tête. ». Un silence s’installa. Ils continuèrent de se fixer, avant que les yeux du jeune homme ne se perdent sur les menottes qui les attaichaient. Il lacha rapidement le poignet de la jeune fille en s’excusant, poignet dont ils avaient tout les deux oubliés le contact. Elle voulu ramener sa main vers elle, gênée, mais la chaine l’en empêchait. Chaque mouvement que l’un faisait emmenait l’autre à dévier sa trajectoire, ce qui donnait des mouvements saccadés et imprécis pour les deux personnes. Subir l’autre, un peu comme une infirmitée, était insupportable. Elle ne bougea donc pas, victime. Elle le regarda lire l’heure sur sa montre, ainsi que l’étonnement sur son visage. Comme un peu éteinte, elle le regardait, espérant voir en lui la solution qui allait les sortir de ce foutu bazar. Des menottes.. pourquoi ? Il se leva pour se diriger jusqu’à son miroir, et elle le suivit –elle n’avait pas vraiment le choix-. Debout, elle regardait aux alentours, la même phrase résonnant dans sa tête : « Trouvez ce que j’ouvre, c’est la clef de votre bonheur ; trouvez ce que j’ouvre, trouvez ce que j’ouvre… ». Son regard accrocha à la porte de la chambre.

« Pardon, excuse-moi d’avoir été si impoli avec toi. »

Elle s’était retournée vers lui à ses mots, ne s’attendant pas si vite à des excuses si formelles.

« Okada Kain, enchanté., avait-il annoncé, souriant. On va dire que le réveil est un peu dur pour moi, j’ai peut-être été un peu rustre, j’espère que tu ne m’en veux pas trop. »

Bon, il était vrai que là, Ayumu était un peu hébétée. Que dire de sa réaction, alors qu’elle avait tout fait pour faire de lui le méchant de l’histoire ? Il était là, à lui sourire… Ses yeux bleus qui la regardait… Ses cheveux blonds en bataille attachés nonchalamment.. Son regard à elle descendit jusqu’à ses épaules et son torse et… Elle crut qu’elle allait de nouveau court-circuité. Elle ne répondit à son sourire que par un rougissement, et baissa immédiatement les yeux.

« Oui, oui, p-pardon… Ayumu., avait-elle balbutié de façon incompréhensible, comme un enfant en train de se faire gronder. »

Puis c’est soudain qu’elle pensa à une chose. Elle s’immobilisa, comme si une idée illuminait son esprit. Une clé. La porte de la chambre. Elle se alla en vitesse vers la porte en bois sans rien expliquer à « Kain » -maintenant qu’elle savait son prénom- , et essaya de l’ouvrir. Sa main tira autant qu’elle pouvait, celle-ci était bien bloquée.

« La porte est fermée., annonça-t-elle, comme si la situation n’était déjà pas assez claire. Elle se retourna vers le jeune homme, les yeux plaintifs : On va faire comment pour sortir, alors ? »

L’arrière plan derrière Kain lui donna la réponse : la fenêtre.
Putain de merde.

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